Transitions de phases en QCD

Malgré les nombreux succès de la Chromodynamique Quantique (QCD), la théorie des interactions fortes, certaines de ses propriétés fondamentales les plus fascinantes sont encore mal comprises. Le phénomène énigmatique du confinement, qui lie les quarks à l'intérieur des hadrons, ou encore la brisure spontanée de la symétrie chirale, analogue à un phénomène de condensation de paires quark-antiquark et responsable de l'essentiel de la masse des nucléons, restent des questions ouvertes majeures. De plus, on s'attend à ce que, dans des situations extrêmes de température et/ou de densité, d'intérêt pour la physique de l'Univers primordial ou pour l'étude des propriétés de corps stellaires denses comme les étoiles à neutrons, la QCD présente une, voire plusieurs transitions de phase, avec, par exemple, la formation d'un plasma de quarks et de gluons déconfinés et/ou une restauration de la symétrie chirale. La compréhension du diagramme de phase de la matière nucléaire est un sujet de recherche très actif, qui fait l'objet de nombreux projets expérimentaux d'envergure, comme les programmes de collisions d'ions lourds ultra-relativistes au RHIC à Brookhaven, au CERN (SPS, LHC) à Genève, ainsi qu'au futur accélérateur FAIR à Darmstadt.

La description théorique de ces phénomènes est compliquée par le fait qu'ils se produisent à des échelles d'énergie pour lesquelles l'intensité de l'interaction n'est pas petite et les méthodes habituelles de la QCD perturbative sont inapplicables. Il faut avoir recours à des approches non-perturbatives comme la simulation numérique sur réseau ou des méthodes fonctionnelles avancées (équations de Schwinger-Dyson, groupe de renormalisation non-perturbatif, etc.). La QCD sur réseau permet une résolution numérique complète de la théorie mais ne peut s'appliquer à tous les cas, notamment pas au régime de haute densité. Les approches fonctionnelles, quant à elles, si elles permettent d'étudier ces régimes en principe, reposent sur des approximations qu'il est souvent difficile de contrôler complètement.

Dans une série d'articles récents, U. Reinosa (CPHT-X), J. Serreau (APC, UPD), M. Tissier (LPTMC, UPMC) et N. Wschebor (Université de Montevideo, Uruguay) ont développé une approche novatrice basée sur une extension massive de la QCD en jauge fixée qui permet un développement perturbatif contrôlé à toute échelle d'énergie. Cette extension tire son origine d'une procédure de fixation de jauge nouvelle, proposée par Serreau et Tissier en 2012, qui vise à traiter correctement la question des ambiguités de Gribov. De façon remarquable, un calcul perturbatif à l'ordre le plus bas (une boucle) dans cette approche permet de reproduire correctement la structure de phase des théories purement gluoniques (dites de Yang-Mills) ou encore d'une version de QCD où tous les quarks sont lourds. Les premières corrections (deux boucles) ont été aussi calculées pour les théories de Yang-Mills et donnent de très bon résultats.

Le sujet de thèse proposé vise à continuer l'exploration exhaustive de cette nouvelle approche perturbative. On s'attachera, dans un premier temps, au calcul des corrections à deux boucles du diagramme de phase en température et potentiel chimique baryonique de la QCD avec quarks lourds. Ceci permettra au doctorant de se familiariser avec la physique du plasma de quarks-gluons ainsi qu'avec les concepts et les méthodes de la théorie quantique des champs à température finie. Ensuite, on s'intéressera au cas réaliste des quarks légers, où la symétrie chirale et sa brisure spontanée deviennent un élément central, qui n'est pas pris en compte dans l'état actuel de l'approche de Reinosa et al. Un scénario permettant d'inclure cet aspect dans la description est à l'étude. Il s'agira d'en continuer le développement et la mise en oeuvre dans des calculs pratiques. On étudiera d'abord la brisure spontanée de la symétrie chirale à température nulle, puis sa restauration en fonction de la température et du potentiel chimique.

La thèse sera dirigée par U. Reinosa, du CPHT-X (ED PHENIICS), et co-dirigée par J. Serreau, de l'APC, UPD. Le doctorant partagera son temps entre ces deux laboratoires. Il sera partie de la collaboration forte déjà existante avec M. Tissier du LPTMC, UPMC, actuellement en détachement à l'Université de Montevideo, ainsi qu'avec N. Wschebor, professeur dans cette même université.

Contact: U.Reinosa (CPHT-X) et Julien Serreau (APC)  serreauatapc.in2p3.fr

Responsable: 

Julien Serreau

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Année: 

2016

Formations: 

Thèse