Fin de l'observatoire d’Arecibo

 
Fin de l'observatoire d’Arecibo
 
Avant que l'observatoire ne s'effondre complètement le 1er décembre, Steve Torchinsky (APC) était interviewé dans un article de Science et Avenir daté du 21 novembre 2020 sur ce qu'a apporté cet instrument mythique. A lire en ligne sur le site de Sciences et Avenir.

Un nouvel accident avait endommagé le plus célèbre radiotélescope au monde. Au point que l’instrument, presque sexagénaire et irremplaçable pour de nombreuses recherches en astronomie, menace de s’effondrer. Décision vient d'être prise de le démolir.

Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour le radiotélescope d’Arecibo, l’un des plus performants au monde et sans nul doute le plus connu, qui a servi de décor à nombreux films et séries TV de science-fiction comme Contact et X-Files ou pour la scène finale de Goldeneye, un des opus de la saga James Bond. Le 6 novembre, à 19h39 (heure locale), un des câbles soutenant la plateforme de 900 tonnes perchée 150 mètres au-dessus l’antenne collectrice s’est effectivement rompu, endommageant cette dernière et fragilisant la totalité de l’infrastructure gérée par l’université de Floride centrale (Etats-Unis) pour le compte de la Fondation américaine pour la science. Or un premier câble avait déjà cédé trois mois auparavant, le 10 août, lacérant l’antenne sur une bonne trentaine de mètres et tordant la passerelle d’accès à la plateforme suspendue. L’inquiétude est de mise. "La situation est très incertaine jusqu’à ce que nous puissions stabiliser la structure", a déclaré le directeur de l’Observatoire d’Arecibo Francisco Cordova dans un communiqué officiel.

 

Une immense surface collectrice

Construit au début des années 1960 sur l’Ile de Porto-Rico, au fond d’une dépression naturelle et en plein cœur de la jungle, l’Observatoire d’Arecibo se distingue par son immense antenne collectrice de 307 mètres de large. Elle a longtemps été la plus grande au monde avant que le radiotélescope chinois FAST ne lui ravisse la place en 2016 avec ses 500 mètres de diamètre. D’abord conçu pour étudier la haute atmosphère terrestre, l’Observatoire d’Arecibo a été rapidement utilisé pour des recherches en astronomie. Le radar dont il est équipé (FAST n’en possède pas) permet en effet de détecter et suivre le déplacement des astéroïdes, ceux qui pourraient menacer la Terre en particulier. "C’est avec ce même radar que des signaux ont été en outre envoyés à d’hypothétiques civilisations extraterrestres, comme en 1974 en direction de l’amas globulaire M13 situé à 22 000 années-lumière de la Terre", rappelle Steve Torchinsky, chercheur au Laboratoire astroparticule et cosmologie de l’université Paris-7 qui a travaillé pendant plusieurs années à l’Observatoire d’Arecibo.

Etudier la structure des galaxies

Grâce aux très larges bandes de fréquences qu’il couvre, allant jusqu’à 10 gigahertz (contrairement à FAST qui ne dépasse pas 3 gigahertz), ce dernier peut également traquer différents types de molécules présentes dans le milieu interstellaire, "notamment le diazote qui fournit des informations de première importance sur l’évolution et la structure des galaxies", précise Steve Torchinsky. Une autre de ses spécialités concerne l’étude des pulsars, "cadavres d’étoiles" qui tournent très rapidement sur eux-mêmes et produisent des rayonnements électromagnétiques périodiques dans le domaine des ondes radio allant de quelques millisecondes à plusieurs dizaines de secondes. C’est avec cet instrument iconique que le premier pulsar binaire a été d’ailleurs détecté. Il permettra de tester certaines prédictions de la relativité générale et fournira les premières preuves indirectes de l’existence des ondes gravitationnelles, une découverte saluée en 1993 par le prix Nobel de physique. 

D’importantes difficultés financières

Malgré ces succès et contributions essentielles, l’installation connaîtra d’importantes difficultés financières au milieu des années 2000 et à nouveau en 2016. Difficultés qui seront aggravées en 2017 lorsque l’ouragan Maria frappera durement l’île de Porto Rico et fera tomber une pièce de 29 mètres de long sur l’antenne du radiotélescope, perçant celle-ci en plusieurs endroits et brisant de nombreux réflecteurs. Des voix se feront alors entendre pour suspendre l’activité de l'observatoire et consacrer les budgets à de nouveaux projets scientifiques ou des instruments plus récents. La Fondation américaine pour la science en décide toutefois autrement, mais pour répartir les coûts, la gestion du radiotélescope est confiée à un consortium dirigé par l’université de Floride centrale. En 2018, 14 millions de dollars sont ainsi débloqués pour réparer les dégâts causés l’ouragan. 

Des causes toujours pas identifiées

Ces réparations n’étaient pas encore totalement terminées lorsqu’un premier câble – dit auxiliaire – de 13 centimètres de diamètre s’est rompu en aout 2020. Alors qu’une centaine de personnes (dont une vingtaine de scientifiques) sont présentes habituellement sur le site, aucune n’a fort heureusement été blessée, l’accident survenant en pleine nuit. Les causes de cette rupture ne sont, à ce jour, toujours pas identifiées même si elles pourraient vraisemblablement découler du passage de l’ouragan Maria. Les zones sinistrées sont, il est vrai, particulièrement difficiles à accéder pour des raisons de sécurité. Sans compter que la longueur et l'épaisseur des câbles compliquent les analyses de leur intégrité mécanique. En octobre, 10,5 millions de dollars avaient été sollicités pour les réparations, le double étant probablement nécessaire pour stabiliser parfaitement la structure. Une équipe devait d’ailleurs se rendre sur le site le 10 novembre pour réaliser de nouveaux examens et consolider – au moins temporairement – l’instrument. 

Le risque d’effondrement est réel

Mais un second câble (l’un des douze – dits "principaux" – qui soutiennent la plateforme) s’est donc brisé quelques jours avant cette intervention. "Ce n’est certainement pas ce que nous espérions voir arriver, a déclaré Francisco Cordova. C’est une mauvaise nouvelle mais nous demeurons engagés dans la réparation de l’installation." Le pronostic est toutefois très incertain. Car les deux câbles qui ont cédé étaient reliés à la même tour en béton armé (il y en a trois en tout) qui maintient la plateforme et qui mesure environ 100 mètres de haut. Cette tour subit ainsi, désormais, une très forte tension mécanique. "La structure est à présent très instable et d’autres ruptures de câbles pourraient se produire. Le risque d’effondrement est réel", précise Steve Torchinsky. Une intervention en urgence et des dizaines de millions de dollars semblent donc à présent nécessaires pour sauver la célèbre installation. "Cet instrument est unique en son genre et de nombreuses recherches, sur les ondes gravitationnelles notamment, ne peuvent se faire ailleurs. Sa destruction serait une grande perte pour la science", insiste ainsi l’astronome. 

Dates: 

Mardi, 1 décembre, 2020 - 00:00 to 00:30

Localisation / Location: 

APC
  • Autre

Equipe(s) organisatrice(s) / Organizing team(s): 

  • Cosmologie